Si le nom du Frenchie Richard J. Thomson ne vous dit rien, tout comme les titres Roboflash Warrior ou Night of Vampyrmania... c'est tout à fait normal. Voilà des années déjà que cet auteur frondeur construit (à son grand désarroi ?) ses œuvres dans son coin, sans moyens de les présenter au grand public. On imagine sa joie devant le présent coffret.
Réalisateur productif d'un peu moins d'une dizaine de longs-métrages, Richard J. Thomson n'a jamais connu de distribution de ses films, que ce soit dans les salles ou même en vidéo, si l'on excepte quelques VHS à tirage limité aperçues dans quelques boutiques isolées au milieu des nineties. Grâce aux photos publiées des années durant dans les revues spécialisées (Mad Movies en tête), nombre d'amateurs de série B et Z ont pu fantasmer sur quelques donzelles en cuir armées de mitraillettes, des nazis ringards grimaçant ou encore sur une pauvre gueule de dinosaure se nourrissant d'Elodie Chérie en personne (ex-star du X). Des apparitions d'autant plus remarquées que Thomson savait jouer sur le buzz que pouvait provoquer l'apparition au générique d'actrices de porno, jouant les bimbos forcément peu farouches entre deux effets bien gores. Il était donc temps qu'un éditeur s'intéresse à cette œuvre aussi branque que passionnée, en regroupant les trois titres les plus célèbres : les deux Time Demon et Jurassic Trash (autrefois appelé Terror of Prehistoric Bloody Creatures from Space). Financés en partie et soutenus par Jean-Pierre Putters (créateur de Mad Movies), les trois films ont été concoctés avec les moyens du bord, obligeant même le réal à utiliser deux magnétoscopes en guise de banc de montage. Ces objets filmiques étranges reposaient donc essentiellement sur la bonne volonté d'équipes semi-pro ou débutantes, rivalisant d'inventivité pour donner du rythme et une certaine tenue à des scénarios parodiques volontairement crétins. Rendant hommage à Jack Burton dans les griffes du mandarin et aux premiers James Cameron (même si pour le coup cela ressemble plus aux nombreux copies made in Italie), les Time Demon fournissent ainsi au milieu de nombreux dialogues assez fendards et de situations branquignoles de vraies séquences d'action, de baston ou des poursuites en motos, ainsi que quelques fusillades à coups de pétards.
Impossible d'apprécier les films en les comparant avec des productions classiques, mais force est de constater qu'en dépit du jeu très aléatoire des acteurs et de la pauvreté évidente du budget, Thomson laisse apparaître une vraie identité, comme une sorte d'Ed Wood moderne dont le talent semble pour le coup réel, mais bridé. A ce titre, c'est clairement Jurassic Trash qui réussit le mieux son pari en fournissant un hommage délirant aux films d'exploitation des 50's avec leurs bestioles crétines et leurs donzelles qui hurlent à chaque occasion. Bouzeux caricaturaux, scout extrémiste fan de DeVillier, savant fou en pleine crise d'adolescence, clown raté et shyzo qui a tendance à jouer de la gâchette... Ce pur et grand n'importe-quoi sait faire mouche autant par son humour poussif que par l'apparence ridicule (entre le carton-pâte et la chaussette verdâtre) d'un pauvre dinosaure dont les beuglements deviendraient presque touchants. Le summum étant atteint lorsque pour se débarrasser de cette menace venue d'un autre âge (ou de l'espace, on ne sait plus) apparaît le « chanteur » Edouardo Pisani (« je t'aime le lundi... »), venant pousser la chansonnette pour hypnotiser la bête. Consternant, mais irrésistible. Inutile de préciser que là-dedans, les performances autant croupières qu'amusées de Coralie Trinh Thi (qui a depuis réalisé Baise-Moi) et sa camarade Elodie Chérie nourrissent quelques jolis moments de délire absolu, renvoyant non sans grâce aux nudies d'antan. Un box à déguster au 27eme degré en somme, mais qui motive sérieusement les cinéphages pour espérer jeter un coup d'œil sur le récent Bloody Flower, thriller sexy mais sérieux, qui lui aussi semble bien condamné à rester quelque temps dans des cartons poussiéreux.
